Badinage et sérieux
Johann Pauli, franciscain du couvent de Thann, a rédigé en 1518, sous le titre Schimpff und Ernst (badinage et sérieux),
un recueil de quelque 693 anecdotes, fables et arlequinades de son temps. Cette publication remporte un vif succès. Elle sera rééditée de nombreuses fois.
Johann Pauli y développe, dans un style léger, narquois mais aussi d’une grande gravité, les vices, passions, mœurs, usages, croyances et aspirations du XVIe siècle.
L’ouvrage comporte de nombreuses gravures de l’école du célèbre graveur Hans Baldung Grien. L’une d’elles porte les initiales H.B.G.
Très populaire jadis, ce recueil, probablement publié à titre posthume, est aujourd’hui une source précieuse pour dresser l’état moral et religieux de la société de l’espace rhénan au commencement du XVIe siècle. Tout en voulant faire rire son lectorat, Johann Pauli souhaite contribuer à son éducation, tel Sébastien Brant. Cette publication a fait la célébrité de Pauli qui aujourd’hui est qualifié de fondateur de la Schwankliteratur (bouffonneries, petites histoires plaisantes, littérature satirique).
L'ouvrage, un in-folio de 98 folios, est intitulé Schimpff unnd Ernst/durch alle Welthänndel. Mitt vil schönen und Warhafften Historien/
kurtzweiligen Exemplen/Gleichnussen und mercklichen geschichten fürgestellet. Einem jeden zu-underweisung/manung und leer/in allan händlen. Jetzundt von newem weitter dann
vormals gemerht/mit Exempeln unnd Figuren/fast kurtzweilig/unnd Nutzlich zulesen. Il a été publié à Berne en 1543, sur les presses de Matthias Apiarius. Sa reliure à
rabat est d'époque. C'est une reliure rhénane typique du XVIe siècle.
Ci-dessous deux historiettes extraites de l'ouvrage de Johann Pauli. Le recueil a été publié en langue vernaculaire, en l'occurence en allemand du XVIe siècle. Aussi, nous vous livrons ces deux historiettes en version originale et transcrites en langue française pour une meilleure appréciation de l'humour de cette époque...
Drey bauren kemen zuo einem maler/und hetten gern ein crucifix/ein Gott and dem krütz uff den Kirchhoff gehebt/unnd da er verdingt was wol für 15 guldin. Da sprach der maler woellen ihr ein lebendigen/oder ein todten Got haben. Sie sprachen wir woellen zu rath warden/und tratten neben an/unnd da der raht uss was/da sprach einer. Lieber meyster/wir woellen ein lebendigen Gott haben/gefelts er den bauren nitt/so künnen wir in selber wol zuo tod schlahen. |
Trois paysans se rendirent chez un peintre. Ils souhaitèrent un Christ en croix pour le cimetière pour 15 guldin. Le peintre leur demanda : voulez-vous un Christ vivant ou mort ? Ils lui répondirent qu’ils allaient se concerter et se rassemblèrent un peu plus loin. La concertation terminée, un parmi eux prit la parole : cher maître nous voudrions un Christ vivant, s’il ne devait pas plaire aux paysans, nous pourrons nous-mêmes lui enlever la vie. |
Einn Kloster Nunnen ward schwanger/wie soelchs die äptissin vernam/stalt sie die Nunnen zuored/wa soelchsgeschehe wer. Sie antwortet : gnedige Fraw hinnen im kloster. Die aeptissin sagt : An was ort oder stat/kuntest nit schreyen dz man dir zuhilff komen wer. Das Nünlin sagt : Gnedige fraw. Es geschahe an dem ort unnd zuo der zeit da man Silentium (das still schweigen) sol halten. Es war wol verantwurt. |
L’abbesse d’un couvent constata que l’une des moniales était enceinte. Elle demanda à la religieuse où chose pareille avait pu arriver. Elle lui répondit : chère mère, au sein du couvent. L’abbesse lui rétorqua : mais à quel endroit, ne pouvais-tu pas crier pour demander de l’aide ? La jeune moniale répondit : chère mère, c’est arrivé au moment où l’on se doit de garder le Silentium (c’est-à-dire au moment où l’on garde le silence). Cela relevait assurément du devoir… |